Après qu'un météore se soit écrasé en plein Nouveau-Mexique, une femme qui se trouvait près du lieu de l'impact se transforme en une mutante affublée d'une langue démesurée. Cet appendice est désormais doué d'une intelligence et d'une personnalité propres !
Killer tongue est la premier long métrage réalisé par l'espagnol AlbertoSciamma, qui avait auparavant uvré dans les domaines du clip et de la publicité,notamment en Grande-Bretagne. Il monte ce projet comme une co-production entre l'Espagne(le film est tourné en extérieur et en studio dans ce pays) et l'Angleterre (la languedu tournage est l'anglais, et le casting est en grande partie anglo-saxon). Parmi lesacteurs, on retrouve trois comédiens alors bien connus des amateurs de cinémad'épouvante : Robert Englund, bien sûr (Freddy dans la série amorcée par Lesgriffes de la nuit (1984) de Wes Craven ; on l'a aussi vu dans Le crocodile de lamort (1978) de Tobe Hooper, la Série TV V, Le fantôme de l'opéra(1989)...) ; Doug Bradley (le cénobite Pinhead dans la série commencée par Hellraiser(1987) de Clive Barker...) ; Mindy Clarke (repérée notamment grâce à soninterprétation d'un zombie très sexy dans Le retour des morts-vivants 3 (1993)de Brian Yuzna ; on l'a aussi croisée dans Les hommes de l'ombre (1996) de LeeTamahori, Spawn (1997) de Mark A.Z. Dippé...).
A première vue, Killer tongue propose un récit largement inspiré par des filmsde science-fiction des années 1950. Un météore s'écrase sur Terre et se révèle enfait être un véhicule apportant une forme de vie extra-terrestre. On pense bien sûr àdes classiques du genre, comme La guerre des mondes (1953) de Byron Askins ou Lemétéore de la nuit (1953) de Jack Arnold. Pourtant, ce script, fort chaotique,mélange aussi d'autres genres, notamment en faisant se dérouler plusieurs récits enparallèle. Ainsi, outre la science-fiction, on trouve des références à des stylesaussi variés que le Film Noir (toute ce qui tourne autour du casse et des deux complicestrahis), le film de prison (les aventures de Johnny), le western (notamment pour le choixdes décors naturels, qui sont ceux où ont été tournés de nombreux western-spaghettisau cours des années 1960)...
Néanmoins, tout ces genres sont traités sur le ton de la comédie noire et marquée dusceau de l'excès, de l'agressivité visuelle et de la vulgarité revendiquée. Lesaventures de cette jeune fille pulpeuse et de sa langue longue de plusieurs mètressemblent se dérouler sous l'influence de sources aussi peu orthodoxes que Russ Meyer (FasterPussycat, kill, kill ! (1965)...) ou John Waters (Pink flamingos (1972)...).Bref, les amateurs de bon goût sont invités à passer leur chemin ! Inspiré aussi parles provocations colorées d'un Almodovar (Femmes au bord de la crise de nerfs(1988)...) dont l'influence était alors primordiale en Espagne, Killer tongueévoque aussi les parodies noires de cinéma fantastique qui venait de réaliser Alex dela Iglesia, un autre espagnol, avec Action mutante (1993) (space-opera) et Lejour de la bête (1995) (épouvante). Il est aussi intéressant de rapprocher cecourant d'oeuvres "de genres" traitées d'une façon qui frise parfois laparodie, quand bien même cette tactique induit une certaine distance, parfois excessiveet condescendante, par rapport à des films plus classiques de ces styles. On peut citerl'inégal, mais très influent, Pulp fiction (1994) de Quentin Tarantino, le filmde vampires Une nuit en enfer (1996) de Robert Rodriguez, le slasher Scream (1996),Dobermann (1997) de Jan Kounen en France...
Par dessus tout cela, on trouve encore d'assez nombreux effets gore, forts explicites (lescorps explosent ; au cours d'un baiser très profond, la langue géante traverse de parten part le crâne d'un personnage, pour aller ensuite broyer le sexe d'un personnagesitué derrière !...), ce qui est tout à fait étonnant pour une production britannique,pays alors plutôt prude en la matière. On trouve d'autres moments d'anthologie dans lemême style, comme le voyage, vu en caméra subjective, de la langue géante rentrant parla bouche d'un homme pour traverser tout son le système digestif avant de ressortir parson anus ! Impossible, dans ces moments-là de ne pas penser aux délires anthologiquesd'oeuvres sanglantes comme Evil dead 2 (1987) de Sam Raimi, Badtaste (1989) de Peter Jackson ou surtout Elmer, le remue-méninges (1988) deFrank Henenlotter (dont le parasite mangeur de cerveaux a du inspirer l'idée de lalangue tueuse qu'on rencontre ici).
Au-delà de ces considérations, Killer tongue fonctionne plutôt bien dans songenre. Les acteurs sont très bien choisis notamment Mindy Clarke (dont la plastiquespectaculaire est remarquablement mise en valeur), et surtout Robert Englund, qui nousrégale par son interprétation d'un maton ultra-pervers. Le récit est tout à faitimprévisible et se permet une succession de rebondissements toujours très nerveuse ettoujours surprenante. La qualité des effets spéciaux, la bonne santé avec laquelle lefilm se vautre dans le mauvais goût, et le vent de folie qui souffle de façonininterrompue sur ce film achève d'en faire une expérience tout à fait sympathique.
Toutefois, il faut reconnaître qu'à force d'accumuler sciemment des séquences parfoisun peu lourdingues, Killer tongue peut lasser par moment. De même, certains gagspeuvent n'être pas très drôle, ou bien donner une impression de provocation un peuvaine et gratuite, voire totalement puérile. Qui plus est, on peut aussi parfois seperdre dans la narration un peu confuse à force de se vouloir frénétique.
Quoi qu'il en soit, les 100 minutes de Killer tongue passent remarquablementvite. Alberto Sciamma peut se vanter d'avoir réussi un film qui n'ennuie presque jamais,et, en tout cas, surprend toujours. Ce délire horrifico-sexy passa assez inaperçu à sasortie en salles. Néanmoins, il acquit avec le temps une petite réputation defilm-culte. Sciamma tourna ensuite Anazapta (2001), un thriller médiéval. Ilprépare actuellement Jericho mansions, un thriller interprété par James Caanet Geneviève Bujold, tourné au Canada et en Espagne.
Bibliographie consultée :